Tron: L'Héritage


Réalisé par Joseph Kosinski

Cet article contient des spoilers.

Tron: L'héritage est la suite d'un film Disney, sorti en 1982 et réalisé par Steven Lisberger (talentueux informaticien désormais tombé dans l'oubli), Tron. Film culte pour une petite caste de nostalgiques, ayant marqué l'esprit de ceux que nous appellerons bientôt geeks, Tron est une oeuvre atypique. Véritable délire informatique, esthétique totalement originale pour l'époque, voilà que plus de vingt ans plus tard, les Studios Disney décident de ressusciter la franchise. Et ce, en dépit de l'échec rencontré par la première tentative. Que voulez-vous, les geeks ont maintenant envahi le monde. A la clé, un film loin d'être parfait, mais faisant preuve d'une extrême générosité en plus de proposer une direction artistique très élaborée. Puisant dans les tendances actuelles au niveau du design, de l'architecture *, de la mode et de la musique, Tron: L'héritage est un film avant tout contemporain. Malgré les années qui séparent le film original de sa séquelle, L'héritage est un film particulier dans le sens où c'est une sorte de remake dissimulé sous les traits d'une suite. Certaines scènes du film original font ainsi leur retour, adaptées à leur époque. Le scénario reprend là où s'arrêtait celui de Tron. Ainsi, suite à la disparition de Kevin Flynn, concepteur de programmes informatiques (et génial Jeff Bridges), c'est son jeune fils, Sam, qui part à sa recherche. Ce qui va bien évidemment l'amener directement dans la Grille, un univers informatique, principal terrain de jeu de Tron: L'héritage.
* Architecture 
Joseph Kosinski est, contrairement à la plupart des réalisateurs, diplômé de l'Université de Columbia, en architecture. Un parcours qui se ressent grandement tout au long du métrage. Dans les décors du film, sobriété et luminosité sont les grands axes de la direction artistique. Les appartements aux lignes épurées résultent d'un travail monstrueux, réfléchi et pertinent. Pour souligner l'aspect contemporain, assez éloigné du Tron original, les décorateurs se sont appuyés sur la lumière, ce qui explique la présence de toutes sortes de néons, bandes luminescentes et autres sols rétro-éclairés. Pour contraster avec cette ambiance contemporaine et résolument moderne, voire high-tech, et dans le but de créer un décalage avec la réalité, on retrouve des objets en totale contradiction avec les décors présentés. Il n'est alors pas étonnant de découvrir un mobilier typiquement Louis XIV, constitué de chaises anciennes, de tables immenses ou de lustres transparents. Ces meubles s'adaptent au milieu virtuel du film, et adoptent une texture imitant le cristal. Le violent contraste qui se crée alors entre les décors modernes et les objets classiques permet de donner à l'environnement un aspect irréel, totalement adapté à l'univers. Enfin, on saluera le parti-pris par le réalisateur, de ne pas utiliser uniquement des images des synthèse. Nous apprenons ainsi que le film a en partie été tourné à Vancouver, au prestigieux Shangri-La Hotel.
Joseph Kosinski est, contrairement à la plupart des réalisateurs, diplômé de l'Université de Columbia, en architecture. Un parcours qui se ressent grandement tout au long du métrage. Dans les décors du film, sobriété et luminosité sont les grands axes de la direction artistique. Les appartements aux lignes épurées résultent d'un travail monstrueux, réfléchi et pertinent. Pour souligner l'aspect contemporain, assez éloigné du Tron original, les décorateurs se sont appuyés sur la lumière, ce qui explique la présence de toutes sortes de néons, bandes luminescentes et autres sols rétro-éclairés. Pour contraster avec cette ambiance contemporaine et résolument moderne, voire high-tech, on retrouve des objets en totale contradiction avec les décors présentés. Il n'est alors pas étonnant de découvrir un mobilier typiquement Louis XIV, constitué de chaises anciennes, de tables immenses ou de lustres transparents. Ces meubles s'adaptent au milieu virtuel du film, et adoptent une texture immitant le cristal. Le violent contraste qui se crée alors entre les décors modernes et les objets classiques permettent de donner à l'environnement un aspect irréel, totalement adapté à l'univers. Enfin, on saluera le parti-pris par le réalisateur, de ne pas utiliser uniquement des images des synthèse. Nous apprenons ainsi que le film a en partie été tourné à Vancouver, au prestigieux Shangri-La Hotel.
Alors évidemment, grâce aux avancées technologiques, la représentation visuelle est loin d'être aussi austère qu'à l'époque. Terminées les droites, messieurs dames, place aux courbes les plus voluptueuses. Pour exemple, les lightcycles, ces fameuses motos futuristes permettant de s'affronter sur la Grille, ne tournent plus en effectuant des angles à 90° comme dans le film des années 80. Elles peuvent à présent tourner comme... Et bien comme des motos. Plus concrètement, c'est toute la direction artistique qui se base sur cette évolution. Il suffit de contempler le design des constructions et de la direction artistique en général pour s'en apercevoir. Ce ne sont pas moins de 20 designers qui ont travaillé sur les accessoires du film, dont le célèbre Neville Page (qui s'est occupé par exemple des casques) désormais connu pour sont travail sur le film Avatar de James Cameron. N'oublions pas l'apport incroyable de Daniel Simon en ce qui concerne le design des véhicules, un ancien de chez Volkswagen et Lamborghini. On peut dire que Disney n'a pas lésiné sur les moyens afin de faire de son film un véritable bonheur visuel. Les effets spéciaux permettent de créer un univers bichromique visuellement impressionnant. Cependant, l'ensemble reste d'une simplicité enfantine. Le bleu pour les gentils, le rouge pour les méchants (même si l'on relève quelques personnages de blanc vêtus, comme Kevin Flynn, Gem ou Castor). La simplicité manichéenne du scénario de Tron: L'héritage constitue en effet le principal reproche que l'on puisse faire au film.


Avouons-le, le concept même du film permettait de développer des thèmes aussi divers qu'actuels. La relation père-fils bien sûr, mais aussi Tron lui-même ! Relayé au simple titre de faire-valoir, Tron ne marquera pas par sa présence, et les spectateurs se souviendront de Tron en tant que titre du film, mais non en tant que personnage. Autre gâchis, la capitale informatique loin d'être exploitée. On aurait aimé en découvrir plus sur le mode de vie de tous ses programmes, que l'on aperçoit partiellement au détour d'une rue ou dans la boîte de Castor. Mais surtout, pourquoi ne pas avoir développé la mythologie des ISO, cette forme de vie transcendante dont on ne sait finalement pas grand chose. J'avoue qu'avec la faiblesse de ce scénario, j'avais été partiellement déçu. Tout ceci s'explique par la volonté de Disney de vouloir étendre l'univers du film. Une suite avait d'ailleurs rapidement été évoquée, avant de sombrer dans l'oubli, tandis qu'une série animée, Tron Uprising, a vu le jour.

Le réalisateur, Joseph Kosinski, signe un premier film qui n'a rien de honteux. Comme David Fincher (The Social Network), Tarsem Singh (The Fall) ou Zack Snyder (Sucker Punch), Kosinski est issu du monde clipesque et de la pub. Si cela se ressent par la méticulosité apportée aux différents plans, on ne retrouve pas d'effets de style inutiles (hormis une icônisation qui heureusement ne fait pas too-much). Cependant, comme un réalisateur seul ne peut porter à lui tout seul son métrage, il lui fallait des acteurs dignes de ce nom. Jeff Bridges, évidemment. Pour les besoins du scénario, l'acteur s'est vu rajeuni numériquement. Si certains jugent le résultat totalement foireux, je trouve pour ma part que le rendu n'est pas mal du tout. Certes, le spectateur remarque rapidement la supercherie (du moins sur blu-ray), mais une fois le choc des premières secondes passé, rien à dire. L'animation générale tient la route, et l'animation faciale est saisissante. Oui, la technologie a évolué depuis le premier Tron de 1982.

Revenons rapidement sur l'univers visuel du film. Le film utilise environ 60 décors, dont 15 réels. On en revient à la notion d'opposition qui permet d'identifier clairement la nature des différents décors et protagonistes. Ainsi, la cachette de Flynn père se trouve être construite en décor réel. C'est un environnement blanc, au sein duquel contraste un mobilier noir détaillé. Au contraire, la ville principale est dominée par des bâtiments noirs et lisses, traversés par plusieurs lignes lumineuses. Ce monde virtuel est bâti sur plusieurs règles qui, bien qu'elles ne soient pas aisément identifiables pour un regard non averti, participent au rendu artificiel de ces décors. Les bâtiments sont par exemple construits autour d'angles identiques, qui sont de 30, 60 ou 90 degrés seulement.

Olivia Wilde, dans le rôle de Quorra, part féminine obligatoire du film, imprègne l'image de sa beauté "synthétique". Je parle ici de synthétisme étant donné son jeu froid et désincarné. Une fois de plus, on aurait gagné à developper ce personnage, et j'espère sincèrement que ce sera le cas dans un futur épisode. Je passerai rapidement sur Garrett Hedlund, tenant le rôle principal, aussi transparent que fade. Non pas qu'il soit mauvais, mais rien ne se dégage de ce personnage (encore la faute aux scénaristes aurais-je envie de dire). Michael Sheen, dans le rôle de Castor, cabotine comme jamais, mais franchement, pour changer, le personnage n'apporte pas grand chose au film. Il aurait été intéressant de développer (ce mot revient sans cesse quand on parle du scénario de Tron: L'héritage) ses motivations, sa "psyché", voire sa relation avec Gem. Dommage.


Impossible de parler de ce film sans citer les Daft Punk. Nos petits frenchies se sont donc lancés dans la composition de la soundtrack. Et pour le coup, les types derrière la production de ce Tron version 2.0, ont eu du nez ! Le duo s'applique à pondre un score démesuré, hypnotique, électroniquement divertissant. Le thème principal possède une aura épique à laquelle se rajoute une couche cybernétique du plus bel effet. Leur single, utilisé pour la promo du film, est un véritable petit hit en puissance, et j'espère de tout coeur que leur collaboration pour ce film n'est pas leur dernier apport au septième art. A vrai dire, ce n'est pas la première fois que les petits français de Daft Punk approchent l'univers cinématographique. Thomas Bangalter a déjà travaillé pour Gaspar Noé, sur ces deux métrages Irréversible et Enter the Void, et le duo a même participé à la conception d'un métrage animé, nommé Interstella 555. Autant le dire tout de suite, en travaillant sur Tron, Daft Punk ne réinvente rien. Au contraire, le groupe synthétise de manière jubilatoire tout ce qui se rapporte à la musique de film moderne. Il y a dans cette OST du Hans Zimmer, mais aussi du Harry-Gregson Williams. Les synthé dominent, mais savent parfois se taire au profit d'une orchestration plus grandiloquente ou, au contraire, carrément minimaliste. A l'image des soundtracks composées par Zimmer, Daft Punk développe ici un thème principal qui sera repris et décliné tout au long du disque. Le duo alterne les ambiances grâce à une maîtrise du rythme magistrale. Chaque morceau désarçonne tout en étant rassurant. On retrouve une continuité pertinente tout au long des pistes qui parsèment cette soundtrack. Au-delà d'une atmosphère informatique, Daft Punk développe une musique aérienne, solaire même. La diversité de l'instrumentation ne ruine en rien l'ambiance posée par la musique, tandis que les jeux de distorsion ou l'inépuisable ressources de sons électroniques qu'exploite le duo arrivent à dynamiser une écoute évoluant perpétuellement. La promotion du film a d'ailleurs utilisé un thème issu de l'OST, intitulé "Derezzed", très dynamique et percutant. Ce morceau, à l'image du reste des compositions d'ailleurs, est aussi appréciable à l'écoute isolée que durant le film. Là où certaines compositions atmosphériques peinent à convaincre hors-film, l'OST de Tron: L'héritage s'impose et explose. On reconnaît là le talent du duo, et son expérience dans le monde de la musique. Cet album est une vraie réussite. 

Malgré la simplicité générale du film, Tron: L'héritage décolle véritablement grâce à un emballage plus que correct. Outre la direction artistique sublime ou bien la mythologie mise en place (les ISO), et ce malgré un rythme un peu en deça une fois arrivé à la motié du métrage, ce Tron nouvelle génération constitue un excellent divertissement. Sublime, porté par une BO stupéfiante, iconique et annonciateur d'une grande saga, le film pose les bases d'un univers foisonnant mais malheureusement limité par un scénario un peu trop frileux et des personnages tout sauf développés.

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